Sunday, April 10, 2016

En regardant le port

Comme cela me dérange
Chaque fois que je regarde les lumières du port
Ce sont les lumières de nos limites
Qui nous rappellent que personne ne peut vivre sans nom
Ni sans loyauté à un pays.

Mais personne ne peut choisir son propre nom
Ou le pays où l’on va naître.



Le monde est un centre commercial

Shakespeare a dit un jour
Que le monde est une scène
Les hommes ne sont que des acteurs
Se partageant de nombreux rôles.

Dans les mains de Beckett
Les comédiens deviennent des esclaves
Emprisonnés sur l’estrade
Dans une scène sur l’attente
Dans une pièce sans fin.

Que se passe-t-il si aujourd‘hui nous disons
Que le monde est un grand marché
Nous sommes sans exception des commerçants ou des acheteurs
Prononçant le dialogue des transactions commerciales.

C’est un centre commercial pour tout le monde
Ainsi qu’un hall d’exposition
Avec des promoteurs sournois
S’emparant de ceux dont la conscience sociale
Est à la recherche
Pour l’acquérir, d’un statut.

Qu’il s’agisse d’une pièce de Shakespeare
D’acteurs aux nombreux rôles
Et aux nombreux visages
Ou dans la pièce de Beckett
De comédiens pris au piège dans une salle d’attente
Nous ne différons pas d’eux
Nous sommes des acteurs dirigés par le matérialisme.




Le message de la Princesse du Mont Ledang au Sultan Mahmoud

Tun Mamat
Fait part du message suivant au sultan
Qu’il fournisse ceci pour ma dot
S’il souhaite m’épouser.

Qu’il me construise un pont en or et un autre en argent
Qu’il m’apporte sept plateaux de coeurs de moustiques et de germes
Des coupes pleines de larmes et de jus de jeunes noix de bétel
Et du roi et du prince un bol de leur sang chacun.

Franchement
Je savais dès le départ
Qu’il était prêt à construire ce pont de misère
À laisser le peuple porter les plateaux de l’agonie
Et supporter le fardeau des lourdes coupes de larmes
À brûler leur vie avec la flamme de son désir charnel
À condition qu’il pût échapper à l’incendie.

Tun Mamat,
Ces conditions ne montrent que mon refus
Je refuse d’être sa reine
Voyant ma vie comme un trouble reflet
Je ne suis pas Tun Fatimah
Capable de pardonner la cruauté
Je ne suis pas Tun Kudu
Que l’on put forcer de consentir
Hang Li Po suffit
Enveloppée comme un présent, un héritage
Ou Tun Teja qui trébucha et tomba
L’amant qu’elle suivit n’étant qu’une ombre.
Laissons le Mont Ledang se dresser fièrement, comme un rappel à
tous
D’une fleur qui survécut et resta libre
Ayant échappé au caprice royal
Même une femme peut choisir de ne pas être d’accord
Même un roi doit à son tour
Admettre qu’il est battu.

Note: le Sultan Mahmoud, le dernier empereur de Malacca, tomba amoureux de la princesse
du Mont Ledang qui lui était apparue en rêve. Il envoya ses hommes sur la montagne pour
la demander en mariage, causant beaucoup de détresse et des morts inutiles. La princesse fit parvenir son célèbre et éloquent message au sultan par l’intermédiaire de Tun Mamat, le seul homme qui parvint au sommet de la montagne.

THESE POEMS ARE PUBLISHED IN THIS BOOK EN REGARDANT LE PORT, PUBLISHED BY L HARMATTAN PARIS 2015.